Par Adeline Gombaud
Ă 46 ans, il fait partie des jockeys les plus expĂ©rimentĂ©s du peloton, lâun des plus aimĂ©s aussi, tant lâhomme est abordable. Dimanche, il sâest offert un deuxiĂšme Jockey Club, douze ans aprĂšs celui de Vision d'Ătat. Pour John Gosden ! Et il nâen revient toujours pas.
Lendemain de Jockey Club. Il est midi et Ioritz Mendizabal a retrouvĂ© ses filles, Ă Pau. « Pierre-Alain Chereau, mon agent, mâa gentiment proposĂ© de fĂȘter la victoire Ă Chantilly, mais je voulais vraiment rentrer et offrir mes deux coupes Ă chacune de mes filles. Jâai dĂ» courir un peu pour avoir mon vol dimanche soir ! » Le succĂšs a Ă©tĂ© fĂȘtĂ© avec des amis proches, Ă Biarritz. « On a bien mangĂ© et bien bu ! Câest aussi cela, le plaisir des courses⊠» Cela lui ressemble bien, cette fĂȘte en comitĂ© restreint dans le Sud-Ouest quâil ne quitterait pour rien au monde. MĂȘme quand il a pris son indĂ©pendance avec Jean-Claude Rouget, il y a quelques annĂ©es, il nâa jamais Ă©tĂ© question de quitter Pau. « Je ne rechigne pas Ă faire beaucoup de kilomĂštres pour aller travailler, mais jâai vraiment besoin dâĂȘtre basĂ© ici. Câest ma base. »
Une vraie cote dâamour en Angleterre. Entre Pau et Newmarket, il y a pas loin de 1.000 km. Un monde. Câest pourtant Ioritz Mendizabal que John Gosden a choisi pour piloter Mishriff (Make Believe) dans le Prix du Jockey Club. Et ça, le jockey nâen revient toujours pas. « John Gosden est lâun des meilleurs entraĂźneur au monde. Alors monter le Jockey Club pour lui, câest ahurissant ! » La nouvelle a Ă©tĂ© dĂ©finitive jeudi dernier. « Câest Pierre-Alain Chereau, avec Shippy Ellis, agent anglais, qui ont travaillĂ© pour me trouver cette monte. Mais jusquâĂ jeudi, nous ne savions pas si les jockeys anglais pourraient venir Ă Chantilly. Je nâen reviens toujours pas. Si vous mâaviez dit il y a deux semaines que John Gosden ferait appel Ă moi⊠Je vous aurais dit de consulter un mĂ©decin ! »
Et pourtant. Ioritz Mendizabal a une vraie cote dâamour auprĂšs des professionnels britanniques. « Jâai beaucoup montĂ© pour Mark Johnston, et je collabore toujours avec lui dâailleurs. Je pense que cela mâa fait connaĂźtre de ses confrĂšres britanniques. Jâavais aussi montĂ©, il y a dix ans, une sprinteuse anglaise, Swiss Diva, avec laquelle jâai gagnĂ© plusieurs Groupes pour David Elsworth. De façon gĂ©nĂ©rale, comme lâa expliquĂ© GĂ©rald MossĂ© dans vos colonnes il y a quelque temps, je crois que les entraĂźneurs anglais cherchent des jockeys dâexpĂ©rience, alors quâen France, il y a une prime Ă la jeunesse. Jâessaie toujours de me rendre disponible quand un entraĂźneur anglais me le demande. Je me souviens lâan dernier dâĂȘtre allĂ© monter en Allemagne une pouliche de Mark Johnston dans une Listed. Ce nâĂ©tait pas une grande course, jâai sĂ»rement loupĂ© une rĂ©union en France, et le pĂ©riple entre Pau et lâhippodrome a Ă©tĂ© interminable, mais nous avons gagnĂ© et Mark Johnston a su quâil pouvait compter sur moi. »
Admiratif de John Gosden. Ioritz Mendizabal a donc eu quelques jours pour Ă©tudier les prĂ©cĂ©dentes courses du poulain, et se faire Ă lâidĂ©e que oui, il allait monter pour John Gosden. « Jâai tout regardĂ©, depuis ses dĂ©buts jusquâĂ sa victoire Ă Newmarket pour sa derniĂšre sortie en passant par sa tentative Ă Riyad. Puis jâai eu John Gosden le matin de la course. Il est trĂšs, trĂšs mĂ©ticuleux, et avec lui, il y a un plan A, un plan B si le plan A nâest pas possible, un plan C. Jâavais montĂ© une Poule dâEssai pour lui [Nyramba, en 2004, ndlr] et jâavais Ă©tĂ© impressionnĂ© de voir Ă quel point tout Ă©tait millimĂ©trĂ©. On comprend pourquoi il a un tel palmarĂšs. Rien nâest laissĂ© au hasard. »
Pour Mishriff, les ordres nâont pas durĂ© bien longtemps, et John Gosden a juste donnĂ© une recommandation au jockey. « Il a beaucoup insistĂ© sur le fait quâil fallait toucher le moins possible Ă la bouche du cheval, et le monter rĂȘnes longues. Quand le train a ralenti aux Grandes Ăcuries, jâai dĂ» lever les mains pour le reprendre, et jâai compris pourquoi ! Heureusement, jâai pu rapidement poser mes mains et le cheval sâest Ă nouveau posĂ©. Je sentais dans ses propos quâil Ă©tait confiant. De mon cĂŽtĂ©, je me voyais aussi une bonne chance, mĂȘme sâil me semblait compliquĂ© de battre Victor Ludorum. Et quand il est venu trĂšs vite Ă mon extĂ©rieur, jâai cru quâil allait gagner. Mais jâai donnĂ© une claque au mien, et il a immĂ©diatement enclenchĂ©. Dans les 150 derniers mĂštres, il est allĂ© vraiment trĂšs vite. JâĂ©tais Ă©tonnĂ©, en lisant Jour de Galop, dâapprendre que câĂ©tait le premier Jockey Club de John Gosden. Il a gagnĂ© tellement de grandes courses que je pensais quâil lâavait dĂ©jĂ remportĂ© ! Cela rajoute encore un peu de saveur Ă cette victoire. Jâai appelĂ© John Gosden aprĂšs la course, dâabord pour le remercier, ensuite pour lui donner mes impressions. Je lui ai dit que pour moi, le cheval tiendrait 2.400m. La seule chose sur laquelle je ne peux pas me prononcer, câest son aptitude aux terrains souples. Il a fourni un superbe changement de vitesse sur bon terrain. Sera-t-il capable de faire la mĂȘme chose sur un terrain plus souple, sachant quâil est un peu sur les Ă©paules ? Je ne peux pas me prononcer. Quant Ă lâArc, nous nâen avons pas parlĂ©. Ce nâest surtout pas moi qui vais dire Ă monsieur Gosden ce quâil doit faire ! Il connaĂźt son poulain bien mieux que moi. »
Dix ans sans Gr1, mais pas une obsession. Pour Ioritz Mendizabal, il sâagit du deuxiĂšme Jockey Club, douze ans aprĂšs celui de Vision dâĂtat. Cela faisait dix ans (le Prix de lâOpĂ©ra de Lily of the Valley) que le jockey nâavait pas gagnĂ© de Gr1. CâĂ©tait en 2010, la troisiĂšme annĂ©e consĂ©cutive oĂč il a Ă©tĂ© sacrĂ© Cravache dâor. « Bien sĂ»r, on se lĂšve tous les matins en espĂ©rant trouver un cheval comme Mishriff, qui peut vous offrir une victoire de ce calibre. Mais pour autant, il ne faut pas en faire une obsession. Il y a trois ans, je pensais tenir ce cheval avec Taareef, et je me suis accidentĂ© avant quâil ne coure le Jacques Le Marois. Câest ainsi. Il faut un peu de chance aussi ! Quand un entraĂźneur me confie un cheval, jâai Ă cĆur de faire mon boulot le mieux possible. Et gagner un rĂ©clamer pour un propriĂ©taire qui nâa quâun cheval, câest aussi important que de gagner le Jockey Club pour un prince saoudien. Ă prĂ©sent, jâexerce mon mĂ©tier diffĂ©remment. Je nâai plus lâappui de professionnels qui pourraient me faire lutter pour une Cravache dâor. Ce nâest pas un choix : il faut faire avec. Il y a quelques annĂ©es, jâai choisi de prendre mon indĂ©pendance avec Jean-Claude Rouget. Mais nous sommes restĂ©s en trĂšs bons termes. Je travaille des chevaux pour lui Ă Pau quand il me le demande. Il fait parfois appel Ă mes services. Nous avons vĂ©cu tellement de choses ensemble que le lien ne pourra jamais ĂȘtre rompu. Le jour oĂč, quand mon rĂ©veil sonnera, je nâaurai pas envie de me lever pour aller monter Ă cheval, il sera temps dâarrĂȘter. Mais ce jour-lĂ nâest pas encore arrivĂ© ! »
Une autre façon dâexercer son mĂ©tier. Alors Ă 46 ans, Ioritz Mendizabal continue, sans aucune aigreur, avec la sagesse de ceux qui ont connu les grandes victoires et les coups durs. « Je travaille avec des gens qui me font confiance. Il y a, d'une part, Pierre-Alain Chereau, mon agent : jâaime la personne et le boulot quâil fait. Et, d'autre part, les professionnels qui font appel Ă moi, et avec lesquels jâaspire Ă rĂ©aliser un vrai travail dâĂ©quipe, dans la durĂ©e. Hattal, qui a gagnĂ© la belle course des pur-sang arabes dimanche, est une bonne illustration de cet Ă©tat dâesprit. Jâai un contrat moral avec la casaque de Yas Horse Racing, managĂ©e par Thierry DelĂšgue, avec lequel je mâentends trĂšs bien. Hattal, je lâai dĂ©butĂ©. Xavier Thomas-Demeaulte mâavait dit quâil lâestimait, et mâavait demandĂ© de le respecter. Nous sommes deuxiĂšmes, mais nous aurions pu gagner si jâavais Ă©tĂ© mĂ©chant, sans penser Ă lâavenir. Pour sa deuxiĂšme course, nous lui avons appris Ă se poser. Et la troisiĂšme, câĂ©tait dimanche ! La patience a payĂ©. CâĂ©tait la concrĂ©tisation du travail rĂ©alisĂ© depuis des mois, avec toute une Ă©quipe. Je monte souvent des pur-sang arabes, parce que beaucoup d'entraĂźneurs du Sud-Ouest en ont. Câest toujours gratifiant de monter le top-niveau dâune race, quelle quâelle soit. Et cela mâa permis de voyager aussi : lâAngleterre, Abu Dhabi, Dubaï⊠»
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Eh bien voilà , c'est fait !iroisebleue écrit: ... L'humilité de ce jockey si expérimenté est un bonheur à entendre et lire. On ne peut que lui souhaiter...de continuer à prendre du plaisir dans son art... Pourvu que Ioritz Mendizabal revienne titiller ces pelotons plus souvent
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