Souvenirs : Il était une fois... Jag de Bellouet
Le samedi 28 janvier 2006, ParisTurf accordait sa Une au champion de Christophe Gallier.
La naissance...
Lorsqu'il achète une jument nommée Celse Glatigny, fille de Quodshou MF, dans les années 70, Jean-Claude Montican ne se doute pas qu'il vient de se rendre acquéreur de celle qui va devenir la troisième mère de l'un des plus grands champions du trotting de tous les temps. Petite et légère, elle est sa première poulinière et il choisit de la croiser avec le grand Paléo, espérant avoir un mâle. Mais le destin veut que ce soit une pouliche. Il la nomme Quenavora. Elle parvient à gagner une course en province, puis entre au haras à son tour pour être saillie par Nicos du Vivier, d'où naît Vaunoise. Ayant connu quelques années plus tôt beaucoup de réussite avec Viking's Way comme géniteur, lequel lui permet notamment de faire naître la championne Eyra de Bellouet, il décide de présenter Vaunoise à ce même Viking's Way en 1996. Et le 17 mai 1997, du côté d'Argentan, voit le jour un poulain bai. Pour le nommer, Jean-Claude Monthéan choisit la première lettre de son prénom et les deux premières de celui sa femme, Agnès. Jag de Bellouet était né... “Je veux que mes poulains aient au moins une quinzaine d'hectares chacun pour grandir. Je n'ai donc jamais plus de cinq poulinières dans mon effectif. Elles vivent avec leurs poulains sur 120 hectares, avec cent cinquante bovins. Jag de Bellouet ne fait que de m'étonner et de me surprendre. J'élève tous mes chevaux de la même façon. Je ne sais pas pourquoi celui-là est si différent. Cela prouve bien que la nature est plus forte que nous finalement” explique Jean-Claude Monthéan.
La première rencontre...
Drôle de destin que celui de Jag de Bellouet. Un destin étroitement lié avec celui de Christophe Gallier qui croise sa route un jour de septembre 1998. Le mardi 15 pour être précis. Après avoir fait l'école de Chantilly, puis celle de Grosbois et avoir travaillé chez Jean-François Popot, Claude Cohier ou encore Paul Viel, le jeune homme vient tout juste de s'installer à son compte à Loreur, petit village de la Manche situé non loin de Villedieu-les-Poëles et de Granville. Il profite de quelques boxes chez ses parents, d'un camion destiné à transporter les bovins et des avantages de la plage, distante de quelques kilomètres seulement, pour essayer de voler de ses propres ailes. La première année n'est pas facile et, pour arrondir ses fins de mois, il travaille la nuit dans les abattoirs de Sainte-Cécile, après s'être occupé de ses chevaux pendant la journée. Ce mardi 15 septembre, il se rend aux ventes de yearlings à Deauville. Gitan de Coquerie vient de lui offrir ses premiers trophées. L'origine dure et solide du numéro 170 du catalogue ne le laisse pas indifférent. Fils de Viking's Way et d'une fille de Nicos du Vivier, un cheval qu'il connaît bien pour avoir fait une partie de son apprentissage dans la Manche, Jag de Bellouet lui plaît. Et pour le compte de Monsieur et Madame Izard, à qui il va louer la carrière de course du poulain, il parvient à s'en rendre acquéreur pour 47.000 francs après être allé le voir une dernière fois à l'emplacement 156 de la cour B. Son aventure avec celui qui va devenir le cheval de sa vie vient de commencer... “Jag de Bellouet avait une origine de cheval dur, mais aussi le modèle du trotteur robuste” se rappelle-t-il.
Les débuts...
Qualifié au mois d'août de ses 2 ans à Caen au trot attelé, Jag de Bellouet débute en compétition le 3 janvier à Vincennes. Au trot monté ! La raison est simple : Christophe Gallier n'a pas les dix victoires nécessaires pour pouvoir le débuter lui-même à l'attelage. Et comme le cheval montre de bonnes dispositions au travail pour porter l'homme, le jeune professionnel décide donc de l'orienter dans cette spécialité. Courir dans les deux disciplines n'est jamais facile à cet âge, aussi le cheval va-t-il poursuivre dans cette voie jusqu'à sa deuxième place dans le Prix d'Essai au mois de juin. Mais, auparavant, le Prix Edouard Marcillac, premier semi-classique sous la selle réservé à la jeune génération, lui permet de remporter son premier grand succès. “Je débutais comme entraîneur à l'époque et, si c'était à refaire, je ne pense pas que Jag de Bellouet courrait si jeune sous la selle. Car nous aurions tout aussi bien pu passer à côté de la carrière qu'il fait actuellement. Cela dit, il était doué et je suis sûr que, dans une grande écurie, il aurait pu faire ce qu'a fait un cheval comme Gai Brillant à 3 et 4 ans.”
La plage...
La plage est un élément déterminant pour Jag de Bellouet... Par obligation au début, puisque la piste de Christophe Gallier ne fait que sept cents mètres. Jamais le fils de Viking's Way n'a travaillé autre part que sur le sable de Lingreville, non loin de Granville. Là-bas, Jag de Bellouet s'est forgé un mental et un physique de champion. “J'ai commencé à l'entraîner sur la plage, simplement parce que je n'avais pas l'outil de travail adapté. Mais travailler sur la plage s'apprend, car, si elle use effectivement moins les chevaux, au niveau des articulations par exemple, elle peut également être écœurante pour un cheval qui serait fragile mentalement.”
Le Cornulier...
Le Prix de Cornulier, Jag de Bellouet l'a disputé trois fois. Et il l'a emporté trois fois ! En 2004, Christophe Gallier axe toute la préparation de son champion en vue de cette course. Déferré des quatre pieds pour la première fois de sa carrière, il se détache à six cents mètres de l'arrivée et file au poteau en champion, laissant Latinus à plus de deux secondes. En 2005, le cheval se présente au départ plus frais que l'année précédente, car son entourage vise cette fois le doublé Prix de Cornulier-Prix d'Amérique. Le crack de la Manche, qui reste alors sur onze victoires consécutives, tente de réussir ce rarissime doublé avec moins de travail que douze mois plus tôt. Le 23 janvier 2005, c'est chose faite. Ferré des quatre pieds, Jag de Bellouet garde sa couronne dans l'épreuve reine des trotteurs montés et bat son propre record en 1'13”9, sans même que Mathieu Abrivard ne lui abaisse ses œillères. En 2006, le 22 janvier dernier, Jag de Bellouet remporte le grand classique sous la selle pour la troisième fois consécutive, malgré plusieurs performances en demi-teinte durant les semaines précédentes, suite à des contre-temps dans sa préparation. Il abaisse une nouvelle fois le record de la course en 1'13”6. Seuls Souarus, Gardon, Bellino II et Kaiser Trot ont réussi avant lui un tel coup de trois dans cette grande course. “Plusieurs petits problèmes de santé sont venus contrarier la préparation de Jag de Bellouet cet hiver, contrairement aux deux meetings précédents. Mais je n'ai jamais douté de lui. Il a toujours gardé toute ma confiance. Même à quatre-vingts pour cent de ses moyens, je savais qu'il pouvait gagner.”