ce fut une journée inoubliable ….comme Ténor De Baune
À l’approche du championnat du monde des trotteurs, ParisTurf vous fait revivre une sélection des éditions les plus insolites. Premier des dix épisodes consacré à l’édition 1991 et la victoire de Ténor de Baune, qui soigne sa musique en restant invaincu.
Les turfistes sont gâtés en ce début de décennie 1990. Après un millésime historique où le “Roi de Vincennes” Ourasi quitte la scène en beauté, place à 1991 et le récital de Ténor de Baune (également orthographié de Bauné). Le fer de lance de Jean-Baptiste Bossuet se présente au départ de l’épreuve invaincu en 29 sorties publiques. Sa musique est à l’image de ses allures : parfaite. Un an plus tôt, désireux de préserver son prodige, le Mayennais avait décliné la lutte afin d’éviter une confrontation face à Ourasi où il aurait pu y laisser des plumes. Ménagé dans sa jeunesse, Ténor de Baune n’en a pas moins brillé face à l’élite de sa promotion, enlevant le Critérium des 4 Ans, le Critérium Continental puis le Critérium des 5 Ans. Face à lui se dresse un champion du monde, Rêve d’Udon, vainqueur l’été précédent de l’International Trot à Yonkers (New York). Polyvalent et doté d’un palmarès taille XXL, Rêve d’Udon a raté ses deux premiers rendez-vous dans le Prix d’Amérique, partant au galop en 1989 avant de déclarer forfait l’année suivante sur blessure, laissant la voie libre à Ourasi. Yves Dreux veut vaincre le signe indien et prend ses responsabilités dans le bas de la descente en s’emparant des commandes de la course, bientôt rejoint par Ténor de Baune, à son extérieur, et Queila Gédé (tout juste auréolée de son titre dans le Prix de Cornulier) à la tête du wagon de trois. Dans la montée, l’air qui s’échappe des naseaux de Ténor de Baune perfore la brume hivernale, donnant à l’alezan des allures de locomotive à vapeur. Après le petit bois, les duellistes se détachent avec un Rêve d’Udon guère enclin à s’avouer vaincu.
Mais à la sortie du dernier tournant, Ténor de Baune hausse la cadence et son formidable jeu de jambes, rythmé par le mouvement de ses genouillères, fait des ravages. Rêve d’Udon observe, impuissant, la crinière blonde du “Ténor” flotter dans l’air glacial jusqu’au poteau. 30ème victoire d’affilée d’un trotteur s’adjugeant le Prix d’Amérique, en toute désinvolture, sans jamais avoir connu la défaite. Du jamais-vu dans l’histoire du trot et un exploit difficilement réalisable de nos jours. Au sommet de son art, Ténor de Baune dégringole rapidement de son piédestal, vaincu par Ultra Ducal deux semaines plus tard dans le Prix de France. Il ne retrouvera jamais plus son meilleur niveau. Qu’à cela ne tienne : l'alezan deviendra un remarquable étalon, père des classiques Fleuron Perrine (Critérium des 3, 4 et 5 Ans), Gavroche Perrine (Critérium des 3 Ans, Prix de Sélection), Hermès Perrine (Critérium des 4 Ans), Lulo Josselyn (Critérium des 4 Ans), Philoténor (Saint-Léger des Trotteurs, Prix d'Essai) et du monument Roxane Griff, “Dame de Fer” de Paris-Vincennes et jument française la plus riche de l’histoire, à date. Inauguré en 2008 et érigé au rang de groupe I en 2022, le Prix Ténor de Baune - Amérique Races Q4, réservé à l'élite des 5 ans, lui rend hommage chaque meeting d'hiver.