Le Trot - L'Amérique dans le viseur : les confidences de Pascal Bernard
L'éleveur ornais en est convaincu : il faudra une Bélina Josselyn au sommet de son art pour espérer battre Bold Eagle dans le Grand Prix d'Amérique. Mais avec le phénoménal Jean-Michel Bazire au sulky de son élève, Pascal Bernard sait que "Bélina" peut accomplir un exploit. Entretien.
Pascal Bernard et Jean-Michel Bazire savourent l'un des dix succès de Bélina Josselyn à Vincennes Hippodrome de Paris © APRH
Cela fait une décennie que Pascal Bernard a repris les rênes de l'élevage familial, fondé par son père Yvan Bernard au début des années 1970. Un éleveur visionnaire qui, à l'instar de Jean-Pierre Dubois, a cru à l'apport du sang américain. Cezio Josselyn, l'étalon « historique » du Haras du Bois Josselyn issu de la matrone Quezira (la grand-mère de Bélina Josselyn) lui a d'ailleurs donné raison. Dauphine de Bold Eagle dans le précédent championnat du monde des trotteurs, Bélina Josselyn peut-elle cette fois-ci le battre ? Son éleveur-propriétaire nous répond.
Pascal, comment avez-vous trouvé la course de rentrée de Bélina Josselyn à Laval ?
PB : « Parfaite. Elle a fait quelques facéties au moment du départ, mais c'était plus dû au fait qu'elle était un peu "gazée" car elle n'avait pas couru depuis de longs mois. J'ai, comme tout le monde, beaucoup apprécié sa fin de course. Jean-Michel Bazire (NDLR : il l'appelle "Jean-Mi") m'a dit après la course qu'elle s'était très bien comportée. »
Est-ce que Bélina Josselyn est plus forte que l'an passé ?
PB : « On ne va pas se mentir. Je ne pense pas que "Bélina" soit le meilleur cheval du monde. Par contre, j'ai une certitude : celle d'avoir le meilleur pilote au monde avec "Jean-Mi". En outre, on a tout fait pour lui donner une chance de battre Bold Eagle en lui accordant du repos tout l'été. La forme exceptionnelle de son entraineur-driver et sa fraicheur seront un gros avantage, deux facteurs qui peuvent lui permettre de triompher. Si je suis deuxième ou troisième, je serai content malgré tout, mais je pense que l'on peut gagner. »
Votre jument participe ce dimanche à la première étape du Circuit Trot des EpiqE Series, le Grand Prix de Bretagne, une course qualificative pour le Grand Prix d'Amérique. Est-ce que cette épreuve est un objectif ?
PB : « Oui. On va tout faire pour terminer dans les trois premiers afin d'être qualifiés pour le Prix d'Amérique. L'an passé, il y a eu tellement de rebondissements qu'à un moment donné, on a fini par se demander avec "Jean-Mi" si on allait y arriver... Cette année, on veut s'éviter tout contre-temps et nous courrons pour gagner. Si elle se qualifie, on aura tout le temps ensuite de l'amener gentiment jusqu'au dernier dimanche de janvier. »
Ressentez-vous de la fierté avec une jument comme Bélina Josselyn dont vous êtes le propriétaire mais aussi l'éleveur ?
PB : « Il m'est difficile de répondre à cette question car je suis le naisseur de tous mes chevaux. (Il observe une respiration). Mais contrairement à un propriétaire qui achète des chevaux « clé en main », j'ai forcément plus de vécu avec mes trotteurs car je les ai vus naître, être débourrés, avec tous les hauts et les bas que comporte l'élevage. C'est surtout une aventure humaine car je peux associer beaucoup de monde lors des succès. Didier Fouilleul, le responsable au quotidien du haras, joue un rôle important tout comme Hédi Le Bec, qui débute les chevaux et puis bien sûr "Jean-Mi" qui entraine les meilleurs d'entre eux. Après la deuxième place de "Bélina" dans le Prix d'Amérique, notre vétérinaire était fou de joie... Même notre livreur de fioul, qui est venu la voir courir à Vincennes, était comme un fou ! Les courses, c'est l'un des rares sports où l'on partage de telles émotions. »
Venons-en à l'opposition. Outre Bold Eagle, de qui vous méfiez-vous ?
PB : « J'ai beaucoup de respect pour Billie de Montfort et Valko Jenilat, de très bons chevaux qui donnent toujours le meilleur d'eux-mêmes. Mais objectivement, ils sont un cran en-dessous de nous, sans fausse modestie. "Valko" a fait une année extraordinaire mais il a beaucoup donné aussi et dans l'optique du Prix d'Amérique, c'est un élément à prendre en compte. A mon avis, "Bold" sera le grand favori car il est meilleur que les autres et ensuite, quatre à cinq chevaux feront office de challengers, dont Bélina Josselyn. »
Que pensez-vous de l'opposition étrangère, que l'on annonce redoutable ?
PB : « Bien sûr, il y a des candidats sérieux comme les "Redén" Propulsion et Lionel ou encore Twister Bi. Franchement, je suis incapble de vous dire s'ils sont plus forts que Bélina, même si nous les avons devancés dans le dernier Prix d'Amérique. Par contre, j'ai encore en tête la course de Twister Bi dans le Prix d'Eté (Finale European Troting Masters) où il avait fini très près de "Bold" et "Aubrion". C'est une sacrée référence qui en dit long sur son potentiel. »
Dans le précédent volet de « L'Amérique dans le viseur », Daniel Redén déclare que nous n'avons pas encore vu le vrai Propulsion. Qu'en dites-vous ?
PB : « J'en dis que c'est un adepte de la méthode Coué (rires) ! Dans le fond, ça lui réussit plutôt bien mais dans les courses, ce sont les chevaux qui parlent sur la piste. Néanmoins, je trouve qu'il fait beaucoup de bien à notre sport, car il joue le jeu à fond avec les médias. Et comptez sur lui pour amener ses chevaux au top de leur forme le jour J. »